14 février. Sur les rives de la retenue collinaire du hameau de la Pomenard, à St Brieuc de Mauron, la tempête Ulla souffle. Partout les sols sont détrempés. C'est le jour qu'a choisi la FRSEA de Bretagne pour dénoncer la politique de l'eau et les méthodes de sa gardienne, l'Onéma.
"En trois mois, on a reçu l'équivalent d'une année normale de précipitations, 876 mm", constate Janick Menier. Avec son frère, il a repris le gaec parental ; 500 000 litres de lait et 160 ha. Les deux tiers des surfaces sont menées en culture de vente avec des rotations qui conviennent bien au système laitier. "Ici, 50 % du chiffre d'affaires est fait avec le lait, le reste avec les cultures", dont 30 ha en légumes d’industrie qui raffolent l'été de la sécurité de croissance offerte par l'irrigation assurée par cette réserve constituée l'hiver. Ce légume d'industrie est le savoir-faire de 2 500 producteurs bretons qui donnent à l'hexagone le quart de ses légumes en conserve et 40 % de ses surgelés. "il y a du monde derrière, des emplois", enchaîne Paul Chanterel, administrateur de la Cecab. La buse d'alimentation, qui remplit l'hiver de quoi rendre savoureux flageolets et petits pois, crache à gros débit l'eau collectée sur les champs en amont. 34 000 m3 y sont en réserve pour les jours de disette hydrique. Rien n'est pris au ruisseau du Camet qui coule plus bas. Juste le trop plein, qui y retourne. La possibilité de créer des retenues collinaires est l'une des revendications portées en ce vendredi par le syndicalisme majoritaire breton de la FRSEA-JA. Car si le changement climatique opère, "pour la sécurisation des élevages, ne faut-il pas oser se poser la question de la sécurisation fourragère?", avancent ses représentants tout aussi agacés que leurs collègues du reste de la France par la politique de l'eau "et ses incohérences", insiste Thierry Coué, président régional.
Eau, concilier sécurité, économie et environnement
Ici, comme ailleurs, "nous subissons la pluie, le trop d'eau, comme le manque d'eau, il y a des conséquences aussi pour nos cultures". Alors la retenir un peu, "c'est une solution pour écrêter les crues", affirment ces responsables professionnels fatigués d'être montrés du doigt comme fauteurs des troubles, inondation ou sécheresse. "On se dégage de cette responsabilité", botte en touche Thierry Coué. "Les conditions météo, nous les subissons aussi",enchaîne Sébastien Fesnoux, président de JA Bretagne. "Sur l'eau, nous avons beaucoup fait. Nous dialoguons avec les collectivités locales et les BV, réimplantons des talus, les couvertures hivernales. On nous inonde des terres agricoles sans aucune reconnaissance ni rémunération", appuient ces représentants syndicaux. Et de dénoncer l'artificialisation des sols par des villes prises d'embonpoint qui s'étendent "dans des zones auparavant inondables. On construit sur des zones à risques". Et d'en appeler au bon sens, "face à une politique de l'eau trop tatillonne et pas assez cohérente sur l'ensemble de l'année", dénonce Thierry Coué avant de fustiger la gardienne de la politique de l'eau.
Curer les ruisseaux
"Les agriculteurs se font punir dès qu'ils curent les ruisseaux pour éviter les inondations", note-t-il dénonçant les contrôles de l'Onema. "Des gens armés débarquent chez vous, ça fait bizarre, je n'ai tué personne tout de même", souligne Janick Menier, ayant eu à subir deux contrôles de l'administration en charge de la police de l'eau. "Attention, à la provocation. Cela créé un mauvais climat, on ne maîtrise pas les réactions du terrain," met en garde Thierry Coué. Et de rappeler l'obligation qui leur est pourtant faite d'entretien des cours d'eau "vieux fond, vieux bord". "On le faisait avant. Ces cow-boys armés on réussi à nous faire peur, on ne sait plus quoi faire !", constate Jean René Menier ,en charge du dossier eau. Manœuvre ? "On nous prépare une taxe supplémentaire pour financer l'entretien des ruisseaux". Alors, ces exploitants réclament de retrouver cette compétence de "curage régulier des cours d'eau. Qu'on nous dise aussi ce qu'est un cours d'eau et ce qui ne l'est pas. On ne sait pas si on est dans le cadre d'une demande d'autorisation ou pas", pointe Thierry Coué pour qui "l'analyse coûts/bénéfices " des projets de réglementation est une nécessité.