La collecte de lait bio s’est envolée pour atteindre les 330 millions de litres fin 2011 grâce à une importante vague de conversions dont l’effet sera complètement visible dans deux ans. Les acteurs de la filière doivent désormais veiller à adapter leur rythme de développement au marché pour éviter la surproduction.
Entre les acteurs de la filière, réunis à Rennes à l’occasion d’un colloque organisé par les chambres d’agriculture de Bretagne, les points de vue sur le rythme de développement de l’offre convergent. "Si aujourd’hui nous sommes encore dans une situation de déficit, les courbes entre l’offre et la demande sont en train de se rejoindre pour tendre à l’équilibre de marché vers 2013", souligne Laurent Forray du Cniel(1), qui peut d’ores et déjà d’après les conversions en cours, évaluer la collecte de lait bio à 457 millions de litres en juin 2013. La production française aura donc doublé en cinq ans, d’abord en réponse à une très forte demande du marché qui était encore loin d’être satisfaite en 2008, et sans doute encouragée par la baisse du prix du lait payé en conventionnel en 2009.
Dans le même temps, "les éleveurs ont amélioré leur technicité, constate Françoise Roger, de la chambre d’agriculture de Bretagne. La production a augmenté en moyenne de 15 000 litres par UTH en dix ans, avec une amélioration de la qualité des fourrages et deux fois moins de concentrés. La taille des exploitations est passée de 60 à 80 ha".
Lever le pied
Pour l’interprofession, il y a "nécessité d’adapter le rythme des conversions à la capacité du marché", autrement dit de lever le pied. Mais pas de scenario de surproduction pour l’instant. Le rythme des conversions est en train de se tasser en cette fin 2011. "Il y a moins de réserves sur le terrain puisque la majorité des systèmes proches du bio sont déjà passés en conversion", selon Laurent Forray.
Très implanté à l’Ouest, Biolait a aussi constaté un ralentissement des conversions. La collecte de ce groupement de 63 millions de litres en 2011, doit passer à 97 millions l’an prochain. "L’entreprise a préparé les marchés, dès 2009, en vendant plus qu’elle ne collectait par l’import de lait anglais", souligne Christophe Baron, président de Biolait et éleveur dans le Morbihan. Elle a aussi développé un important portefeuille de 50 clients transformateurs de tailles très diverses.
Le juste prix à l’éleveur
Biolait est attaché à "la notion de juste prix rémunéré à l’éleveur" avec lequel il contractualise pour 3 à 5 ans sur un prix payé dont la particularité depuis 2007 est de coïncider au coût de production moyen. L’objectif, selon Christophe Baron, est de "donner un avenir aux producteurs et d’éviter les déconversions comme au Royaume-Uni". D’autres entreprises ont choisi de connecter le prix à celui du conventionnel avec une prime supplémentaire pour le bio. "Si l’on veut jouer la pérennité, il nous faut tenir un écart fort avec le conventionnel, tout en tenant compte de ce qui se passe à l’étranger pour pouvoir être compétitif sur le plan industriel et exporter nos produits", indique Gérard Maréchal, de Lactalis. En moyenne, le prix payé au producteur est actuellement d’un peu plus de 400 €/1 000 litres.
Les GMS gagnent des parts de marché
Les GMS, qui gagnent aujourd’hui le plus de parts de marché, jouent sur les prix avec l’arrivée de nouveaux acteurs. La bouteille de lait bio est un produit d’appel pour ces enseignes. Certaines n’hésitent pas à pratiquer une politique commerciale agressive et des prix bas, quitte à menacer la pérennité de la filière des produits laitiers bio, à commencer par les industriels dont les prix de vente sont déjà en baisse.
La diversité des circuits de distribution est un atout dont dispose la France à l’instar de l’Allemagne, car outre-Rhin, remarque Elisabeth Mercier, de l’Agence bio, "les magasins spécialisés se sont distingués en temps de crise". Il n’empêche que l’attitude de la grande distribution reste cruciale dans le développement des produits bio. "Des déréférencements ont fait chuter le marché de 13% au Royaume-Uni en 2011. Cette baisse était une exception européenne". En France, Lactalis, principal collecteur de lait bio avec 90 millions de litres en 2011, a payé durement en parts de marché son conflit avec Leclerc. Mais pour contrecarrer les marques distributeurs, l’industriel va fortement s’investir dans la communication télé et mettre en avant sa marque Lactel bio, première marque nationale avec 44% de parts de marché (contre 50% pour l’ensemble des MDD).
Par ailleurs, les industriels continuent d’optimiser leurs coûts logistiques. Biolait dit "rationnaliser les coûts de collecte". Lactalis axe "son développement dans les bassins privilégiés de l’Ouest, du Nord et de l’Est de la France".
Un marché toujours en hausse
La bonne nouvelle pour la filière laitière bio, c’est que le marché continue d’être à la hausse en France, comme dans la majorité des pays d’Europe. L’Allemagne fait notamment "l’objet de toutes les attentions", souligne Elisabeth Mercier. Bien que parmi les principaux collecteurs d’Europe, ce pays ne parvient pas à satisfaire la demande intérieure. Selon Jacques Ménétrier, chargé du bio chez Eurial, "la hausse des prix en Allemagne donne aux industriels français plus de compétitivité sur le marché européen". Pour preuve, les premiers mouvements d’exportation de produits français vers l’étranger. Mais pour l’interprofession, la préoccupation principale de la filière reste encore de satisfaire la demande intérieure puis de trouver l’équilibre.
Le lait bio en France, c’est
- 1,2% de la collecte en 2010.
- 10% de la consommation de produits laitiers.
- Le produit bio le plus consommé avec 15% de parts de marché.
- Un volume collecté en hausse, soit en millions de litres : 275 en 2010, 330 en 2011, et 457 prévus en 2013.
- Collecté à 21% en Bretagne sur 430 fermes laitières dont près de la moitié se trouvent en Ille-et-Vilaine.
Le marché bio, tous produits alimentaires confondus
- A plus que doublé les dix dernières années en Europe.
- La France est devenue le 2ème marché bio, avec plus de 10% de croissance en 2011, derrière l’Allemagne.
- Sa valeur en France est passée d’1 milliard en 2000 à 3,5 milliards d’euros en 2010 (restauration collective comprise), et sera de 4 milliards fin 2011.
- Il est constitué d’une diversité des circuits de distribution en France : 47% de parts de marché en GMS, 36% en magasins spécialisés, 12% en direct.